3 Avril 2017

Sentinel-2B : une recette en vol pour refléter la réalité

Lancé le 6/03 dernier depuis le Centre Spatial Guyanais, Sentinel-2B est actuellement en phase de recette en vol. Quels sont les objectifs qui se cachent derrière ce terme technique et quel est le rôle du CNES durant cette phase ? Immersion à 786 km au-dessus de nos têtes pour en savoir plus.

Recette en vol : le temps des ajustements

La recette en vol qualité image est une figure imposée, suite à chaque lancement de satellite d’observation de la Terre, catégorie à laquelle appartient Sentinel-2B.

Cette période démarre juste après le lancement et dure en moyenne 3 mois. Il s’agit d’une phase de test et de qualification des instruments de prise de vue en conditions réelles.
La recette en vol concerne tout d’abord la plateforme du satellite afin de s’assurer que celle-ci fonctionne correctement. Pour Sentinel-2B, cette étape n’est pas gérée par le CNES mais par  l’ESA. En effet, ce satellite a été développé dans le cadre du programme Copernicus conduit par la Commission Européenne et réalisé par l’ESA.

Une fois la plateforme vérifiée, la recette en vol s’attache à examiner la charge utile, ici l’instrument d’observation à l’origine des images envoyées par Sentinel-2B. Il faut s’assurer que la qualité de ces vues est optimale et corriger certains paramètres le cas échéant. Le flou, les couleurs, certaines rayures qui apparaissent sur les images et la localisation correcte de chaque pixel sont les occurrences le plus fréquemment observées.

 

Effet avant/après :

Le Pont Tappan Zee Bridge (New-York) vu par Sentinel-2B
(version brute avec des rayures et version corrigée sans rayures)

Crédits : S2B, CNES/ESA/CE

L’effet avant/après

Suite à la détection de ces petits défauts sur les 1ères images envoyées, deux types de corrections sont envisageables : le réglage des paramètres du satellite en vol et/ou le retraitement des images au sol.

Dans le cas de Sentinel-2B, le réglage des paramètres du satellite en vol va surtout concerner des aspects très précis comme la suppression des rayures ou l’étalonnage des instruments de navigation servant à la localisation précise des images.  

Le retraitement des images au sol est réalisé par des professionnels de l’imagerie satellite. Chargés de l’égalisation des images, de la parfaite superposition (registration) des prises de vue, de la géo-localisation des pixels, de l’étalonnage des couleurs (luminances), ils veillent à ce que certains éléments soient bien positionnés (pistes d’atterrissage bien droites par exemple). Ou encore à ce que les 13 bandes spectrales correspondant aux différentes couleurs de l’image se superposent bien les unes aux autres, pour aboutir à la véritable couleur d’origine. Si tel n’est pas le cas, des corrections sont apportées pour aboutir au reflet le plus fidèle de la réalité.

Malgré la précision finale du réglage des paramètres en vol, la phase de retraitement des images au sol a posteriori reste indispensable dans la plupart des cas, afin de rendre les vues les plus exploitables possible pour leurs utilisateurs finaux : les scientifiques en premier lieu, mais aussi la sécurité civile en cas de catastrophes naturelles ou encore les administrations des eaux et forêts.

Au terme de la phase de recette en vol, le satellite est déclaré opérationnel et le passage de relai avec le client est alors effectué.


Chronologie de Sentinel-2B

  • 6/03/2017 : Lancement de Sentinel-2B  depuis le Centre Spatial Guyanais.

  • Du 6 au 12/03 : période de dégazage du satellite.
    Malgré des procédures contraignantes au sol, il peut rester de l’humidité à bord du satellite.  Cette phase permet de l’évacuer une fois dans le vide

  • 15/03/2017 : l’ESA communique sur la 1ère image de communication de Sentinel-2B (qui n’est pas nécessairement la 1ère prise par le satellite, si cette dernière n’est pas exploitable).

  • Mi-mars à fin juin 2017 : Période de recette en vol concernant la qualité image du satellite, orchestrée par le CNES.

  • Début juillet 2017 : Livraison de Sentinel-2B opérationnel au client final
    (European Space Research Institute  - branche observation de la Terre de l’ESA), qui vise la mise à disposition des données gratuitement à tous.

  • Durée de vie estimée : environ 12 ans

Le rôle du CNES

Le CNES est garant des performances de qualité des images prises par le satellite. Concrètement, dans ce domaine particulier, il intervient en amont de la conception du satellite, en conseil pour répondre aux besoins précis exprimés par le client. Il spécifie ensuite les tests à prévoir lors de la phase de recette en vol. Enfin, il développe ou fait évoluer des outils (logiciels d’expertise) pour effectuer les tests liés aux images lors de cette phase. Sur la période de 3 mois qui suit le lancement du satellite, une vingtaine d’ingénieurs est mobilisée pour opérer ces logiciels. Chaque ingénieur a un rôle très précis à jouer dans le cadre des calibrations à effectuer, tant sur le plan de la géométrie que de la radiométrie. Par exemple pour restituer, au plus près, la réalité des zones photographiées, une équipe exploite des instruments sur des sites test qui ont valeur de références pour étalonner les images prises par Sentinel-2B en vol, durant cette période.

Le CNES se positionne ainsi depuis 25 ans en expert d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur.

Sentinel-2B : le reflet de la réalité

La plaine de La Crau en Camargue (ci-contre) fait partie de ces « référents ». Son avantage principal ? On y distingue une zone visuellement assez homogène de steppe caillouteuse. Une  référence de couleur stable qui permet d’étalonner et de suivre les évolutions des performances des instruments de prise de vue (dues au vieillissement du matériel entre autre). Dans les faits, des radiomètres sont positionnés au sol et des mesures sont envoyées lors de chaque survol de la zone par Sentinel-2B. On connaît ainsi la proportion de lumière réfléchie par la surface du sol  (réflectance) de façon suivie dans le temps. 

D’autres zones sont identifiées comme références couleurs : certains océans pour le bleu, certains déserts (ci-dessous), des sites polaires pour les nuances de blanc…

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Exemples de déserts référents pour Sentinel-2B Crédits : CNES

La coopération internationale en action

La coopération internationale joue un rôle à ce niveau, puisque ces mesures de référence sont partagées entre plusieurs agences spatiales. Leur objectif ? Comparer les performances de différents satellites appartenant à une même famille et apporter les réglages nécessaires au fil du temps et donc du vieillissement du matériel. Par exemple : les images de Sentinel-2B et celles de Landsat (USA).

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Crédits : CNES

Sentinel 2 VS Pléiades ?

Il s’agit de 2 satellites chargés d’observer  la Terre dans le domaine visible, aux missions cependant différentes. La mission de Pléiades est d’identifier avec précision des objets (lieux, monuments…) sur la planète. Sa résolution est de 70cm mais sa fauchée est de 20km et ses acquisitions sont épisodiques (programmées). Sentinel-2B quant à lui est conçu pour observer systématiquement (sans programmation) les terres émergées de toute la planète, afin d’étudier la végétation, la progression des villes, des déserts ou encore de la couverture neigeuse. Sa résolution est de 10m. A eux 2, Sentinel-2A et 2B couvrent la totalité du globe en 5 jours. Sentinel-2C et 2D sont à ce jour en cours de développement pour compléter la constellation Sentinel 2 à l'avenir.

 

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